Pôle Santé Vallée de Joux
et Réseau Santé Balcon du Jura
Les enjeux du transfert des collaborateurs

L’intégration des personnels de l’ASPMAD au RSBJ et au PSVJ, longuement préparée en 2019, prendra effet courant 2020. Isabelle Diserens, directrice des soins au Pôle de La Vallée et Corinne Girod, investie de la même fonction à celui de Sainte-Croix, nous ont permis par leurs précieux éclaircissements de mesurer les enjeux de ce transfert.

Au terme de l’année 2020, près de 160 collaborateurs-trices de l’ASPMAD auront un nouvel employeur : le Réseau Santé Balcon du Jura (RSBJ) pour la région de Sainte-Croix, et le Pôle Santé Vallée de Joux (PSVJ) pour La Vallée. Ces transferts (également organisés dans l’Est vaudois où une quarantaine de collaborateurs d’Asante Sana rejoindront le Pôle Santé Pays-d’Enhaut) constituent une étape décisive dans le fonctionnement des pôles santé voulus par le Canton pour offrir les prestations les plus adaptées aux spécificités des populations des régions de montagne.
Si les objectifs et les enjeux sont les mêmes pour le RSBJ et le PSVJ, leur histoire diffère sensiblement. Le Réseau Santé Balcon du Jura fonctionne déjà depuis plusieurs années; au Pôle Santé Vallée de Joux en revanche, on est parti d’une page blanche pour créer en peu de temps une nouvelle entité.

Rassembler et organiser les compétences locales
Pourquoi constituer des pôles santé dans les régions de montagne ? L’idée est d’abord de rassembler et d’organiser les compétences des acteurs principaux au niveau local: l’hôpital, l’hébergement (EMS, courts séjours, CAT), la médecine de premier recours et les soins à domicile.
Premier défi : se parler et se comprendre. Dans ce registre, un travail important devra être entrepris pour que les systèmes d’information de ces différents acteurs, aujourd’hui encore incompatibles entre eux, offrent un accès plus large et plus «transverse» aux professionnels. Il s’agit en effet de donner cohérence et fluidité à la trajectoire du patient.
Deuxième défi : offrir le maximum de prestations sur place, dans les limites raisonnables de l’efficience écononomique. Ainsi, sachant que les soins aigus restent évidemment l’apanage des grands centres hospitaliers, il faut éviter que la population doive descendre en plaine pour trouver un spécialiste et donc inciter ceux-ci à «monter» une à deux fois par semaine pour donner des consultations  de gériatrie, psychogériatrie, chirurgie, orthopédie,  urologie, gynécologie, etc.
Troisième défi: organiser la collaboration avec tous les partenaires  potentiels du réseau : prestataires privés – physiothérapeutes, ostéopathes, art-thérapeutes, masseurs, dentistes, ou organismes d’accueil et de soins – appartements adaptés, ateliers protégés, foyers pour adultes en réinsertion, homes non médicalisés.
Quatrième défi : orienter les compétences vers la médecine communautaire (prévention et orientation auprès des adultes et particulièrement des enfants en milieu scolaire). Ici, d’autres partenaires ont un rôle essentiel : les communes.

De la prise en charge à la prise en soins, de la trajectoire de soins à la trajectoire de santé
Corinne Girod, responsable des soins du RSBJ entrée en fonction en 2019, parle de la philosophie qui sous-tend la création des pôles santé en régions de montagne: «C’est un nouveau paradigme. Le patient est au centre d’une prise en charge coordonnée, mais il tend aussi à devenir un acteur de sa propre trajectoire de soins – un élément qui ressort dans le fait que c’est lui qui choisira quelles informations seront disponibles – et pour quels destinataires – dans le futur DEP (dossier électronique du patient). Dans cette optique, il serait pertinent de préférer l’expression « prise en soins » plutôt que « prise en charge », trop évocatrice de dépendance face aux professionnels. De la même manière, si nous parvenons à intégrer réellement la prévention, l’information et l’orientation à toutes les étapes de la vie des populations, nous pourrons parler de « trajectoires de santé » plutôt que de trajectoires de soins.»

Quelles responsabilités, quelles compétences ?
Quelles seront les modalités du transfert des collaborateurs-trices vers leur pôle respectif ? Comment se répartiront les responsabilités et les compétences ? Il faut d’abord rappeler que les soins à domicile parapublics, même intégrés dans les pôles santé des régions de montagne, relèvent toujours de la loi sur l’AVASAD. La hiérarchie de gouvernance reste la même:

  • l’Etat pilote le système gobal santé-social par la DGS (Direction Générale de la Santé) et la DGCS (Direction Générale de la Cohésion Sociale).
  • L’AVASAD pilote et contrôle le secteur des soins à domicile parapublics. Elle est aussi le canal de leur financement.
  • L’AVASAD délègue à l’ASPMAD la responsabilité des prestations (cohérence, pertinence, efficience) dans le Nord vaudois.

L’organisation des soins à domicile au PSVJ et au RSBJ sera régie par une convention générale réglant dans ses principes la délégation des compétences entre l’AVASAD, l’ASPMAD et les deux Pôles. Au fil de l’année 2020, des conventions séparées régleront les questions pratiques, les décisions comme le calendrier pouvant varier entre Sainte-Croix et La Vallée.

Une transition douce
Concrètement, ces conventions trancheront, provisoirement ou à plus long terme, les questions suivantes :

  • modalités avec l’ASPMAD pour bénéficier des soins spécialisés, dont le volume réduit ne permet pas une reprise pure et simple : ergothérapie du membre supérieur, ergothérapie pédiatrique, stomathérapie, diabétologie.
  • Reprise ou non des repas à domicile.
  • Utilisation du TMR (Transports pour personnes à mobilité réduite) existant ou création d’un organisme autonome.
  • Reprise du conseil diététique.
  • Reprise du secteur de la santé mentale (psychiatrie adulte, psychiatrie de l’âge avancé).
  • Reprise des actions du Programme cantonal proches aidants.
  • Utilisation ou non du Centre d’appels et du numéro unique.
  • En termes de gestion RH (gestion des salaires, CCT, caisse de pension), on se reportera à l’interview de Julien Rosselet sur ces questions.

L’autonomie, pas l’indépendance
Quelle sera finalement la marge de manœuvre des deux Pôles ? Isabelle Diserens, Directrice des soins au PSVJ, précise les principes à l’œuvre : «L’idée est de parvenir au maximum d’autonomie dans l’organisation cohérente des prestations de tous les acteurs ; c’est donc valable aussi pour les soins à domicile, notamment dans ce qui relève de la planification, la gestion et le dimensionnement des équipes terrain. Mais l’autonomie n’est pas l’indépendance, notamment parce que notre taille ne nous permet pas de nous passer de nombreuses prestations mises en place par
l’ASPMAD et l’AVASAD à l’échelle de la région et du canton, et aussi parce que l’indépendance supposerait une maîtrise complète des flux financiers, ce qui n’est pas à l’ordre du jour.»

Qu’en pensent les collaborateurs-trices ?
Pour l’essentiel, Isabelle Diserens et Corinne Girod font le même constat : «L’idée que nos deux régions acquièrent de l’autonomie dans l’organisation de leurs prestations de santé a été bien accueillie. Les questions et les inquiétudes étaient très concrètes : est-ce que mon salaire ou ma retraite seront touchés ? Est-ce que je serai obligé-e de travailler un jour pour l’hôpital, le lendemain pour les soins à domicile, le surlendemain au CAT ? Nous avons pu les rassurer : ce qui avait été promis sera tenu. Personne n’y perdra, ni en termes financiers ni en termes de qualité de l’environnement de travail.»